Ce n’est pas facile, en géomatique, de bien appréhender les notions de géodésie qui sous-tend la manipulation des données géographiques. Malheureusement nous rencontrons beaucoup d’utilisateurs qui ne possèdent pas ces notions. C’est vrai aussi que dans certaines configurations elles deviennent superflues, par exemple si toutes vos données sont dans le même système de coordonnées.
Voyons ici les principales notions indispensables. Et posons tout de suite les conditions de ce travail: je ne suis pas géophysicien et cet article est le fruit de toutes les erreurs que j’ai commises comme géomaticien pendant un bon nombre d’années. Comme je suis convaincu que je n’ai pas fini de me planter (la vie deviendrait monotone), il se peut que l’exactitude de mes propos ne soit pas complète. En bas de cette page vous trouverez la place pour laisser vos commentaires, j’en suis preneur autant pour moi que pour les futurs lecteurs de cet article.Le problème principal auquel on est confronté lors de la construction d’un système d’information géographique est de déterminer l’écart entre les positions de nos objets dans notre système et leur position réelle dans le monde. Et tout de suite nous sommes confrontés au dilemme de comment appeler cet écart: erreur? incertitude? précision?
Chacun de ces termes implique une notion différente. Et le problème devient compliqué quand on dit que l’écart dont on parle est dû à la combinaison de ces trois concepts (plus d’autres qu’on n’a pas encore nommés).
Disons déjà que pour déterminer cet écart il faut tout d’abord savoir qu’elle règle nous servira à le mesurer. Si notre problème est plus compliqué que dans d’autres domaines c’est que nous disposons de tout un éventail de possibilités pour exprimer la localisation d’une entité dans l’espace. Les deux formes les plus connues sont l’utilisation des latitudes/longitudes (systèmes de coordonnées géographiques) ou des coordonnées XY métriques (systèmes de coordonnées projetées).
Un apport non négligeable au développement des outils SIG a été l’introduction de la projection à la volée: vous pouvez utiliser des données dans des systèmes différents tout en les affichant et en les traitant dans votre espace de travail, le logiciel effectuant les transformations de coordonnées nécessaires . Le problème de ces boîtes noires c’est qu’elles ont dégagé l’utilisateur du besoin de savoir comment ces transformations se font et ce qu’elles peuvent impliquer comme problème dans la qualité des données.
Quelques « définitions »
Les principales caractéristiques des instruments de mesure (ou propriétés métrologiques des dispositifs de mesure) sont définies dans le cadre du Vocabulaire International de Métrologie et comprennent, entre autres :
- la résolution
- l’exactitude
- la justesse
- la fidélité.
A noter que le terme « précision » n’est pas utilisé et constitue une erreur de langage en métrologie. Si vous faites une recherche dans le Vocabulaire International de Métrologie pour le terme « Précision », vous ne trouverez rien. La « précision » n’existe pas en métrologie !
Par contre la précision est bien utilisée en informatique. Toute mesure effectuée à l’aide d’un appareil donne un résultat qui n’est jamais rigoureusement la valeur vraie de la grandeur à mesurer. Même en l’absence de précision donnée explicitement sur un résultat, la simple valeur numérique sous-entend une précision par le seul nombre de chiffres significatifs indiqués. Les chiffres donnés sont ceux qui ont du sens, ce qui signifie que le chiffre suivant n’aurait pas de sens dans le contexte de la mesure effectuée.
C’est pourquoi le fait de faire apparaître 6 chiffres après la virgule dans nos valeurs de position géographique, par exemple sur une couche en Lambert 93, voudrait dire que la position est précise au micromètre!
La résolution n’entre pas dans le cadre de cet article. La résolution d’un appareil est la plus petite variation de la grandeur mesurée qui produit une variation perceptible de l’indication délivrée par l’instrument.
L’exactitude est aussi liée à l’appareil de mesure. Un instrument de mesure est d’autant plus exact que les résultats de mesure qu’il indique coïncident avec la « valeur vraie » que l’on cherche à mesurer. Il est à remarquer que l’exactitude ne s’exprime pas par une valeur chiffrée. C’est une appréciation qualitative des résultats. En dehors des conditions opératoires, l’exactitude d’un appareil est essentiellement liée à deux types de caractéristiques : la justesse et la fidélité. Un appareil est exact s’il est à la fois juste et fidèle.
On peut représenter symboliquement la fidélité, la justesse et l’exactitude de la manière suivante :
Dans le premier cas, les mesures sont proches les unes des autres (bonne fidélité) mais en dehors de la zone de probabilité de la valeur vraie (mauvaise justesse).
Dans le deuxième cas, les mesures sont au contraires bien dans la zone où se trouve la valeur vraie et le « barycentre » des points est au centre de la zone rouge (bonne justesse) mais bien que bonnes, les mesures sont dispersés entre elles (mauvaise fidélité).
Enfin, le dernier cas présente des mesures justes (dans la zone de la valeur vraie) et fidèles (proches les unes des autres). C’est le cas d’un bon appareil de mesure, à qui l’apport d’une correction n’est a priori pas nécessaire et les mesures effectuées avec l’appareil sont exactes.
Ce qui nous interesse donc ici, c’est l’exactitude de la localisation de nos objets dans notre système d’information.
Pour la comprendre, nous allons suivre l’acquisition d’une donnée, à partir d’un GPS jusqu’à son intégrations dans un système d’information.
Coordonnées astronomiques
On va commencer par la latitude et longitude astronomique, car elles ne nous serviront à rien dans le cadre d’un SIG, mais elles permettent d’introduire quelques aspects que nous utiliserons dans les autres systèmes.
La latitude astronomique ((Φ) d’un point est donnée par l’angle formé entre la direction de la verticale à ce point, et le plan équatorial.
Son méridien astronomique (ou vrai) est défini comme le plan passant par la verticale et l’axe de rotation de la Terre:
D’une manière conventionnelle, le méridien d’origine est le méridien astronomique qui passe à travers le télescope de l’ancien observatoire de Greenwich. Il s’ensuit que la longitude d’un point (λ) est l’angle entre deux plans, dont l’un est le méridien local (ou le plan méridional) et l’autre le méridien de Greenwich.
Comme vous pouvez le voir dans la figure précédente la verticale du point sur la surface terrestre ne passe pas forcément par le centre de la Terre (intersection des plans équatorial et méridien et de l’axe de rotation de la Terre).
Elle passerait toujours par le centre si la Terre était une sphère parfaite, mais comme la surface terrestre est un géoïde (ballon cabossé) vous pouvez avoir plusieurs points avec des verticales exactement parallèles et donc… avec la même latitude astronomique!
La figure suivante montre quatre endroits avec la même latitude astronomique :
A quoi ça sert alors? Comme son nom l’indique, pour l’astronomie. La latitude, et la longitude, astronomique sert à positionner les étoiles par rapport à l’endroit d’observation. Par contre elles ne sont d’aucune utilité pour localiser nos entités dans un SIG.
On va utiliser la première figure pour comprendre un autre système de coordonnées.
Les coordonnées géocentriques (GPS)
Si nous prenons le même point sur la surface terrestre et que nous utilisons une ligne imaginaire reliant ce point au centre de la Terre, nous pouvons calculer les deux angles formés (latitude et longitude). Par contre cette ligne ne sera pas perpendiculaire à la surface où se trouve le point.
Voici un schéma avec les deux types de positionnement que nous venons de voir (Φ: latitude astronomique et Φ’: latitude géocentrique)
La troisième, latitude géodésique, on la verra par la suite.
Les GPS fournissent des coordonnées géocentriques.
Qu’est-ce qu’il faut retenir? Tout d’abord que contrairement à la première idée que l’on a, les coordonnées sont constituées par trois valeurs et non deux : latitude, longitude et hauteur. La latitude et la longitude géocentrique définit la ligne (Φ’) pointillée de la figure. La hauteur (en mètres par rapport au centre de la Terre) définit la position du point sur cette ligne.
La deuxième chose c’est que tout le système est basé sur la position du centre de la Terre (intersection de l’axe de rotation et le plan équatorial). Comme la terre n’est pas une sphère parfaite, la définition de ce centre est faite par calcul. Forcément, il y a eu pléthore de calculs différents réalisés par des scientifiques de différents pays.
Donc, le système GPS en a choisi un centre de la Terre parmi d’autres. Le WGS84 a été choisi et a été adopté comme le système standard pour ce que l’on appelle les systèmes globaux. Les systèmes globaux, par opposition aux systèmes locaux, peuvent être utilisés partout sur Terre.
Ce système de coordonnées est parfait pour définir la positon d’un point, mais présente un problème pour être utilisé dans un système d’information: il n’est pas possible de calculer avec exactitude une distance entre deux endroits de la surface terrestre, car il faudrait pour cela connaître tous les creux et bosses du géoïde entre ces deux points, ou tout au moins connaître a priori toutes les hauteurs (troisième paramètre) des points pouvant faire partie du système d’information.
Ceci étant très compliqué, on a adopté une solution plus simple: remplacer la véritable surface du géoïde par une surface lisse et régulière: une ellipsoïde .
Les coordonnées géodésiques
Un ellipsoïde est de la forme:
La position géodésique d’un point sur Terre est définie par les coordonnées ellipsoïdales de la projection de ce point sur la surface d’un ellipsoïde de référence, le long de la normale à cet ellipsoïde. La latitude géodésique (Φ) est définie comme l’inclinaison du plan équatorial normal à ellipsoïdal, et le méridien géodésique comme le plan passant par l’axe normal et l’axe mineur de l’ellipsoïde de référence. Enfin, la longitude géodésique (λ) d’un point est l’angle entre son plan méridional et le méridien de référence.
Contrairement aux coordonnées astronomiques des points sur la surface de la Terre, aucun point de projection sur l’ellipsoïde de référence ne peut avoir des coordonnées géodésiques identiques. Par implication, il en va de même pour les coordonnées géodésiques de deux points sur Terre, à moins qu’ils ne se trouvent sur la même normale que l’ellipsoïde. En outre, comme avec le plan et la surface de la sphère, on peut développer des formules et calculer la distance (ellipsoïdale) et l’azimut entre deux points dont les coordonnées géodésiques (ellipsoïdales) sont connues. La raison de l’utilisation d’un ellipsoïde de rotation plutôt que d’un plan, d’une sphère ou d’un cube comme surface de référence géodésique est une question de commodité (et non de rigueur théorique), car l’ellipsoïde de rotation est la forme géométrique régulière la plus proche de la forme réelle de la Terre, sur laquelle on peut résoudre les deux problèmes géodésiques de base. En d’autres termes, on peut développer des formules pour calculer la distance et l’azimut entre deux points de coordonnées connues et les coordonnées d’un second point dont l’azimut et la distance d’un premier point connu sont donnés. La taille (c’est-à-dire le grand axe, a, et l’aplatissement, f) de l’ellipsoïde de référence peut être choisie de manière arbitraire, mais le positionnement de l’ellipsoïde par rapport à la Terre solide est d’une importance cruciale. Dans la pratique géodésique classique, cela s’effectue en adoptant arbitrairement des valeurs de la latitude géodésique, de la longitude et de la hauteur au-dessus de l’ellipsoïde pour une station d’origine (la croix du Panthéon de Paris dans le cas de la Nouvelle Triangulation Française, NTF), et en utilisant des formules mathématiques qui maintiennent le parallélisme entre l’axe mineur de l’ellipsoïde et l’axe de rotation moyen de la Terre.
C’est compliqué, mais venons aux notions fondamentales, car les coordonnées géodésiques ce sont les coordonnées utilisées dans les SIG.
Tout d’abord, chaque système géodésique (et il y en a plein) est caractérisé par le choix d’un centre de la Terre, puis par un modèle d’ellipsoïde.
Prenons trois systèmes courants: le WGS84, le RGF93 et le NTF. Le premier est utilisé pour les cartes en UTM, le deuxième est utilisé par les couvertures en Lambert 93, le troisième par les cartes IGN en projection Lambert NTF.
Comme vous pouvez le voir, les ellipsoïdes sont différentes. Le monde selon NTF est plus aplati. Sur la figure on ne voit pas la deuxième différence, qui est la position du centre de la Terre.
Les deux systèmes situent le centre de la Terre à deux endroits différents:
Ils ne sont pas « trop » éloignés mais quand même il sont séparés par 168m en X, 60m en Y et 320m en Z. Cette différence fait que la même position en surface de la Terre (mêmes Latitude et Longitude) soient séparées par une distance pouvant atteindre une centaine de mètres.
Mais il y a un autre problème que nous devons avoir présent. Le fait d’utiliser un ellipsoïde fait que nous allons avoir que deux paramètres pour définir la position d’un point: la latitude et la longitude. Le troisième paramètre, la Hauteur que nous utilisions avec les coordonnées géocentriques disparaît car toute position est ramenée à la surface de l’ellipsoïde, le point P de la figure suivante.
Dans un système de coordonnées géodésiques, la position du point M devient le point P. On passe d’un système tri-dimensionnel (XYZ) à un système bi-dimensionnel (XY). Pour travailler en 3D il faut qu’on donne un troisième élément qui peut être soit la hauteur ellipsoïdale, soit l’altitude. Les altitudes sont mesurées par rapport à la surface du géoïde. Pour les connaître il faut les mesurer sur place. Par contre un GPS fournit la hauteur ellipsoïdale H, car il peut calculer la différence entre le Z mesuré en coordonnées géocentriques et la formule de surface terrestre adoptée avec l’ellipsoïde.
Sur la figure il faut comprendre que H= h+N. Mais si on travaille avec un GPS, il n’y a que H qui peut être mesurée.
Dans l’article suivant nous verrons concrètement les facteurs qui affectent la qualité des données dans un système d’information géographique. Lire la suite…